Nguma Mabea

« L e pagne dans tous ses éclats« 

J’ai très envie de vous parler, pour le début de cette aventure, de mon pays, de mon village natal. Comme diraient certains, on est jamais mieux servi que par soi même. Alors commençons par le commencement…..

Mes origines sont africaines, camerounaises pour être plus précise. Dans mon village natal, à Kribi au Cameroun, est célébrée, tous les ans la fête du « Nguma mabea » une cérémonie portée sur le rassemblement des différentes tribus de l’ethnie. On se réunit pour célébrer dans la joie, l’année écoulée, voir et entendre ce que les esprits réservent au peuple mabea pour les années qui viennent, se raconter les derniers potins et enfin, essayer de deviner au vu des ragots récoltés, quel village a le vent en poupe et quelle est la personnalité à célébrer les prochains mois…

Alors, tous les mois de Décembre pendant environ deux semaines, sont ouvertes les festivités aux abords des plages de la ville: une kermesse avec des bars, de la street food et les artisans dont le travail reflète le savoir-faire des gens du coin. En plus d’étancher sa soif et de se remplir le gosier, n’oublions pas que le but de ces rassemblements c’est d’abord d’échanger culturellement. Ici se nouent des alliances dans le domaine des affaires et sur le devenir des différentes institutions, entre les ethnies, les clans et les politiques du tout Kribi. L’occasion pour les officiels de démontrer à leurs administrés et à leurs pairs quels progrès ont été accomplis pour le confort des habitants et l’embellissement de la ville depuis l’année précédente.

C’est l’occasion de rouler des mécaniques. La ville est belle ? Le maire a fait du bon boulot et un festival réussit est aussi une démonstration de force. Nous avons les moyens de faire de notre festival, de notre ville, le petit bijou de la cote, nous vous le prouvons aujourd’hui…. On parle aussi, bien entendu traditions et des nouveautés en matière de progrès socio-économiques. C’est l’occasion d’informer les populations des décisions prises par et pour les contribuables. Bref, c’est un évènement joyeux et intelligent.

Et comme dans toutes les cérémonies importantes au Cameroun, un tissu pagne est pensé pour l’évènement. Il est utile de préciser ici que, tout évènement digne de ce nom ; mariage, enterrement, grosse tontine, dot, etc…. Bref, tout ce qui compte comme étant une célébration d’importance dans la vie d’un groupe d’individus, se doit d’avoir un pagne qui le représente. Le tissu pagne est une étoffe de coton imprimée aux motifs, représentant le message que le groupe souhaite véhiculé. Au choix, d’aucun préfèrent mettre en avant les traditions, d’autres les valeurs du groupe, d’autre encore choisissent d’expliquer comment et de quoi est fait leur histoire. Ce dernier choix est celui qui a été fait par les représentants du groupe des mabeas. Un vert bouteille avec autour du marron clair, du jaune et du bleu. Ces couleurs sont pensées pour représenter ce qui fait le mode de vie des habitants du village et de l’ethnie. Le vert symbolise la foret, le marron foncé la crevette l’animal de la région, on peut supposer que posé sur les feuilles qui représentent la foret est sans doute lié au fait que les crevettes de Kribi sont surtout pêchées en eaux douces donc dans les rivières qui, soient bordent la foret, soient à l’intérieur des terres, dans la foret. La marron plus claire c’est le sable et le bleu, la mer. Certains tissus proposent une représentation de l’homme poisson.

Qui est l’homme poisson ?

L’homme poisson est un personnage qui a su faire preuve d’aptitudes exceptionnelles dans la pratique des arts aquatiques, en particulier la nage et l’apnée. C’est le clou de la célébration. Il est doté de certains pouvoirs, mais chuuut, on en parle pas… Ce dont on parle : son talent le plus extraordinaire, celui qui lui permet d’obtenir le label « homme poisson ». Celui qui le rend apte, capable de parler aux esprits de l’eau. C’est le long périple en haute mer et à la nage. L’homme poisson va à la rencontre de son destin, mais surtout, celui de l’ethnie. Son véritable don, consistera à trouver le point de rencontre avec l’esprit de l’eau, communiquer à celui-ci des doléances des anciens et revenir avec des réponses attendues ou non. Il est important de préciser que l’on ne revient pas d’un périple pareil les mains vides. Il paraîtrait que l’espèce, la taille et l’état du spécimen annoncent aux plus anciens la teneur du message. On sait si les nouvelles à venir seront bonnes ou mauvaises pour la communauté. Son retour sur la terre ferme est le clou du festival. L’ambiance est chaleureuse quand le butin est important et les nouvelles bonnes. Dans le cas inverse, il n’est pas interdit de se tourner vers les ancêtres et les esprits de la foret pour là essayer d’obtenir des précisions sur le message qu’ils adressent à leurs descendants en cette fin d’année.

Shingui

Et dans ma boutique des articles et produits pour l’hommage rendu au peuple Mabea.